Boulette Journal

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Fût un temps où je me serais fait tatouer contre une période pareille. Métaboliser la douleur psychique par la douleur physique à travers une forme d'art. C'est tout moi. Mon médecin porte une montre à chaque poignet. C'est tout ce que j'ai réussi à penser alors qu'il me recevait pour la deuxième fois ce mois-ci. Entre le traitement "rapide" par intraveineuse et le traitement "long" par cachet, j'ai choisi le long. Le deux sont temporairement efficaces. Carence, anémie, déficit. Tant que j'ai mes règles, tant que l'endométriose tapisse mon corps. Il puise et épuise mes forces (...)

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Mon don du sang du mois dernier a été rejeté. Comme en 2022. Juste avant l'annonce de ma tumeur. Putain de. (...)

31)

Du gris au noir. Je me demande à quel moment je toucherais le fond de l'abysse pour pouvoir enfin remonter. Ce qu'elle est longue et lente cette chute... Mon déplacement en Angleterre a été le premier coup, le genou à terre. Le reste a enflé jusqu'à ce que plus rien ne soit contrôlable. Il m'arrive d'être envahie d'idées morbides. Mes relations, sur tous les plans, sont en souffrance. L'échange de Pâques m'a affecté. Ma grand-mère n'est pas désolée de ce qu'elle m'a dit. La haine dans ses yeux m'avait suffi à comprendre que, pour une fois, elle ne mentait pas. J'ai eu (...)

30)

Je ne sais pas comment VV en est arrivée à parler religion. Elle appelle habituellement pour se plaindre et imiter les autres en prenant une voix suraiguë. Je n'écoute plus ce qu'elle dit au bout de quelques minutes. Elle me pompe beaucoup trop d'énergie. Je décroche et elle monologue sans reprendre sa respiration pendant des heures. Elle raccroche quand elle se sent mieux. VV a la particularité d'appeler 5 minutes avant la fin de ma journée. Ce soir-là, j'avais envie de tout débrancher dès que possible pour prendre la route. Elle m'expliquait que la religion était partie (...)

29)

Après des semaines à m'accrocher à un espoir maigre comme un clou, j'ai cessé d'être l'amie de ceux qui ne le sont pas pour moi, ceux dont l'absence creuse et questionne davantage ma solitude. Ou plutôt cette forme de solitude si particulière, qui siffle au gré des besoins, qui rend l'amitié insupportable. Deux ruptures en l'espace de quelques heures. J'ai trouvé les mots et je les ai posés. "Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis". Le don de soi n'a pas à devenir sacrifice. Aucune relation n'a à être subie. C'est ce (...)

28)

Repeindre mon plus grand tableau en blanc. Supprimer toutes traces, m'effacer. Voilà. Je me déplais trop dans ce que je deviens. Je fais trop de choses en même temps. L'agenda est noir depuis des mois. La tête tourne. À ne plus avoir le temps de souffler, je perds la densité de ce que j'aime profondément faire. Tout ce qui en ressort n'est qu'insatisfaction. Je fais des choix pour respirer à nouveau, avoir de la place. Et même en posant ces limites, quelque chose en moi culpabilise d'avoir à trancher. Ce voyage était douloureux. J'ai arraché une croûte. C'est fou, toute cette (...)

27)

L'organisme de formation m'a accordé un entretien en face à face. Ils ont changé l'heure du rendez-vous la veille au soir. Du début d'après-midi, il a été déplacé en fin de journée. Entre mon emploi et la préparation de ma valise pour l'Angleterre où je passais le week-end, j'ai trouvé l'intervalle cavalière. Dans un état de stress intense, je n'ai pu confirmer ma présence que le jour même au matin. Dans la continuité de mes premières impressions, leur manque d'égard s'est accentué au fil des heures. Je leur ai précisé que je partais à l'étranger dans la foulée et (...)

26)

Les incertitudes autour de mon avenir professionnel deviennent perturbantes. Aux pensées intrusives viennent s'ajouter le lavage de cerveau d'une année et demie d'incitations malsaines vers la porte de sortie... En activant cette peur en moi, je me dis qu'ils ont réussi une partie de leur pari. Je me dégoûte d'être si friable. Pour la seconde fois de ma vie, j'ai envoyé mon dossier artistique à un organisme de formation pour tenter la piste de la reconversion. Le coeur bat toujours aussi fort. Mon premier contact a été d'une froideur décourageante. Du réseau, c'est l'adresse la (...)

25)

Une Soeur a distribué des livrets de prières et de chants à toutes les personnes présentes dans l'église. Sauf à moi. Je ne savais pas qu'il y aurait une messe ce matin-là. Je passais juste par là, un instant, comme je le fais parfois. Je me tenais un peu à l'écart de ceux qui savent se mettre à genoux, qui savent réciter. Je ne faisais de mal à personne. Alors je n'ai pas compris pourquoi. Un mélange de colère et de tristesse s'est emparé de moi. Je n'ai pas compris ce geste. Ou plutôt ce non-geste. Ici, à cet endroit. Et toutes les questions qui me traversent parfois sur (...)

24)

Mon père me demande souvent si "les signes" que je reçois font toujours partie de ma vie. Et, invariablement, je lui dis un grand "oui". Il lui arrive de me demander des exemples d'évènements, récents ou anciens, qui viendraient justifier que ces messages servent à quelque chose (sinon, belle jambe, à quoi servent-ils ?). Il n'a jamais mis ma parole en doute mais je n'ai jamais compris pourquoi il avait besoin de se rassurer. Des exemples d'expériences, j'en ai à la pelle depuis toute petite. Il ne se passe pas un jour sans qu'un phénomène irrationnel ne se manifeste dans ma vie. (...)

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Concert de feu, concert de joie ! Que j'ai adoré commencer ma semaine sur des airs endiablées de Cuba ! Impossible de m'arrêter de sourire, de danser, d'applaudir. Plus les minutes passaient, plus je me désinhibais. Les couches tombaient, les bras se levaient. Mes pieds brûlaient au fond de mes bottines toutes neuves. Je suis rentrée au petit matin, allumée comme un feu de Bengale. Les boucles sur ma tête en redemandaient. Je tournais dans la salle de bain. Je me découvre un amour vibrant pour les concerts dans ces salles minuscules, où je peux voir les doigts des artistes courir (...)

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Et je suis une bête en colère. Les abus de confiance me font vriller. Des stéréotypes du passé ne cessent de revenir depuis deux ans, sans gêne ni honte, avec les démarches les plus condescendantes. Ils font semblant de prendre de mes nouvelles (très souvent de la même manière), de me vouloir du bien après que notre lien se soit distendu ou rompu. Par l'oeuvre du temps ou par volonté propre. Les raisons pour lesquelles ils sont sortis de ma vie sont révolues mais très vraies. Je leur souhaite le meilleur et je garde mes distances. On dirait des tests pour savoir si j'ai compris (...)

21)

Les émotions se bousculent tant depuis plusieurs semaines que je ne sais pas par quel bout commencer cet écrit. Je regarde l'écran, la ligne s'écrire et puis, là, à l'instant, je me dis qu'il n'y a pas de faux début. Aller... Une des filles de mon équipe est enceinte. Ses mots sont tombés comme une pierre sur du sable. Un bruit sourd et étouffé qui n'a rien emporté. Ni euphorie ni engouement. Il n'y a plus d'espoir à détruire, je crois. C'est comme une suite logique. Je compte les femmes autour de moi qui ne le sont pas encore et qui le seront avant moi. Éternelle observatrice. (...)

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Accroupie devant mon ordinateur, je finalisais un écrit mettant au jour le périmètre de mon projet professionnel. Mettre des mots dessus, faire ce premier pas dans cette direction... Je pense à tous ces auteurs qui, seuls dans leur salon, leur chambre, leur salle de bain, ont posé ce premier mot, cette première note sur une page blanche. Tout part de zéro. Et puis mon téléphone a tinté. Le message le plus venimeux du Nouvel An venait d'arriver, plein de reproches et de vérité. Je n'avais pas écrit ni téléphoné à mes grands-parents pour leur souhaiter la bonne année. (...)

19)

Dans le lit, je regardais les nuages foncer. Les étoiles se sont mises à glisser vers l'ouest au fil des minutes. Il y en a une, énorme, qui me crie dessus. Elle me plaît beaucoup. Cinq branches d'une lumière vive et immaculée. L'application ouverte sur la couette, je réécoutais cette nouvelle chanson dont le thème et les paroles m'ont percuté la première fois que je les ai entendus. Parce qu'ils sont vrais et que j'ignore tout bonnement comment il a su. Comment il a osé transposer ces choses à voix haute et me mettre devant un fait aussi accompli. Sa poésie me touche. Sa (...)

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Mon sang est peut-être la dernière chose que je donne cette année. J'espère qu'il sera utile à d'autres. J'espère aussi que, cette fois-ci, mon don ne sera pas rejeté et porteur de mauvaises nouvelles. La dernière fois restera un choc. Il est vrai que j'apprécie la vie différemment depuis que j'ai conscience que je peux mourir en éternuant. C'est très simple. C'est ridicule. J'avais besoin d'y retourner pour régler ce petit différend avec moi-même. Les infirmières étaient très gentilles. De la fenêtre, pendant la collation, je voyais l'hôpital et la pierre blanche du (...)

17)

Petite poussée de fièvre. Yeux rouges. Nez en fuite. J'espérais passer dans les mailles du filet. L'impression d'avoir mon poids dans les narines. Si il le faut, j'annulerai mon dernier soin de l'année en présentiel pour éviter de propager mes miasmes. Les profs donnent un dernier coup de collier pour compléter les rendus du premier semestre. À quelques exceptions, j'ai réussi à envoyer la majorité de mes devoirs. J'ai délibérément mis de côté ceux où mon ignorance est trop visible, là où je dois vraiment pousser ma consommation d'ici le mois de mai. J'espère avoir la (...)

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Une étudiante de ma cohorte m'a envoyé un message privé pour m'indiquer qu'elle aurait aimé me rencontrer alors que nous étions toutes les deux dans le même musée sans le savoir. Il faut dire que je prends peu part aux discussions démotivantes et stressantes du groupe WhatsApp. L'idée est de critiquer suffisamment l'autre pour le décourager et gagner la meilleure place. Diviser pour mieux régner. Vieux et vil comme le monde. La course aux notes, la quête du compliment, les flatteries... Ça ne m'intéresse pas. De même que j'ai vite compris que si je n'étais pas radicalement du (...)

15)

Tout plaquer. Par ennui. Par mélancolie. Par colère. L'envie de me faire mal physiquement, de changer de peau. De l'arracher peut-être. Des larmes bloquées jusque dans la gorge, à vomir. Elles vont vomir. Sortir tous les soirs. De musique, de musée nocturne, de cinéma. Dormir trop peu. Épaissir le maquillage. Être moins transparente. Dessin au charbon. Le premier depuis 20 ans. Tâches d'aquarelle et symboles autour des résistances d'amour. Tous mes obstacles et toutes mes victoires. Un autoportrait, une purge émotionnelle. Cet état a du sens. Un rayon, un poème, une prière. (...)

14)

Quel rêve ! Il y a deux nuits, mon rêve était transcendant. À défaut d'avoir envie de le décrire, je ne trouve pas d'autre qualificatif mieux adapté. Je n'avais jamais eu de vision nocturne à caractère religieux. C'était très fort. Dans ma frénésie créative de cette semaine (j'aime beaucoup cette humeur débordante), j'en ai fait une petite aquarelle pour illustrer les éléments dont je me souviens. Mon frère m'a proposé de sortir avec sa femme demain soir. Le spectacle me disait bien. Rire aussi. La date et la compagnie un peu moins. Je m'adapte sur le deuxième point. (...)

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