Boulette Journal

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Accroupie devant mon ordinateur, je finalisais un écrit mettant au jour le périmètre de mon projet professionnel. Mettre des mots dessus, faire ce premier pas dans cette direction… Je pense à tous ces auteurs qui, seuls dans leur salon, leur chambre, leur salle de bain, ont posé ce premier mot, cette première note sur une page blanche. Tout part de zéro.

Et puis mon téléphone a tinté. Le message le plus venimeux du Nouvel An venait d’arriver, plein de reproches et de vérité. Je n’avais pas écrit ni téléphoné à mes grands-parents pour leur souhaiter la bonne année. Mauvaise fille.

J’ai fait ce qu’ils voulaient, ce qu’ils attendaient de moi. J’étais en colère. Ils ont joué la surprise, ont posé les mêmes questions que d’habitude. J’ai tout arrêté. Je n’en pouvais plus de ce petit cirque. D’être remise en cause et maltraitée, d’être jugée si sévèrement pour la moindre chose. Inconditionnellement, du 1er janvier au 31 décembre.

Vraiment, je n’en peux plus.

Au lieu de m’appeler pour combler mes "manquements", ils ont choisi de prendre le temps de me reprocher ce que eux-mêmes n’ont pas fait. Par message. Lâcheté et mauvaise foi dans un même paquet. Doublement efficace. Ils m’avaient dit qu’ils m’appeleraient en fin de semaine. L’ont-ils fait ? Non. Ai-je envoyé un message cinglant pour leur signaler leur parole manquée ? Non.

Ne pouvais-je pas, moi aussi, légitimement espérer que l’on puisse penser à moi à Noël et au Nouvel An ? Eux qui ont de la compagnie, il faut croire que cela ne suffit pas de passer les fêtes de fin d’année seule. Dans mon coin, sans faire de bruit ou de vague, j’étais sereine et libérée de mes angoisses. On m’a oublié mais je m’en sortais très bien. J’espérais qu’on me foute la paix.

Les arguments pour me faire culpabiliser de les avoir "oublier", du haut de leur "grand âge", les "punis"... Je les appelle chaque semaine, tout au long de l’année pour prendre de leurs nouvelles, me prendre des pavés dans la gueule. Ils ne le font jamais. Lorsque je leur ai fait remarquer, ils m’ont dit : "Oui mais si on appelle et que tu n’es pas là ?" Ils ne le sauront jamais puisqu’ils n’essaient même pas. Cela semble plus facile d’envoyer un message que d’appeler sur mon mobile…

Tous ces efforts, ces espoirs anéantis quand je raccroche, ces envies de m’effacer de ma propre vie… Ce n’est pas suffisant de me tuer. Il faut aussi que je pense et prenne les initiatives que les autres n’ont pas à mon égard.

J’ai dit : je suis la famille et l’amie de gens qui ne sont pas les miens. J’ai dit : il suffit.