Boulette Journal

23)

Concert de feu, concert de joie ! Que j’ai adoré commencer ma semaine sur des airs endiablées de Cuba ! Impossible de m’arrêter de sourire, de danser, d’applaudir. Plus les minutes passaient, plus je me désinhibais. Les couches tombaient, les bras se levaient. Mes pieds brûlaient au fond de mes bottines toutes neuves. Je suis rentrée au petit matin, allumée comme un feu de Bengale. Les boucles sur ma tête en redemandaient. Je tournais dans la salle de bain.

Je me découvre un amour vibrant pour les concerts dans ces salles minuscules, où je peux voir les doigts des artistes courir sur leurs instruments, où je sens leur transpiration exaltée et dominée par leurs personnages de scène qui se perdent dans leurs propres sons. Je les vois trembler d’émotions, de trac ; leurs yeux qui brillent de lumière et de larmes, leurs grimaces dans l’effort. Je découvre de nouveaux talents, entre l’inconnu et la popularité. Loin de la radio et des caméras. J’explore de nouveaux lieux où ils viennent s’éclater, se célébrer. J’aime faire partie de ces moments où on se rencontre pour de vrai.

Ces notes ont rejailli tout au long de la semaine comme des injections d’euphorie. Des rappels que la Vie est faite pour moi, pour ces instants dans toutes les langues.

Trois jours sur site. Je n’arrive plus à me concentrer. Je ne me sens plus impliquée. Je suis sérieuse et cordiale. Je fais ce que l’on me demande. Je fais ce pour quoi je suis payée. Tout juste, sans plus. Je n’attends plus rien de moi dans cette impasse sans perspective. Je n’attends plus rien des autres, dans leur incapacité de respecter une parole, un engagement. De cette équipe démembrée, de ces mégalomanes qui en veulent une plus grosse et toujours plus, qui ne comprennent pas le sens du mot "non".

Mon calendrier de cours est enfin complet pour le semestre. Je dois me reprendre ! Je me déçois car, même si le diplôme ne m’intéresse pas, je sais être disciplinée. Peut-être l’ai-je trop été, à me poser toutes ces structures et ces échafaudages autour de la gueule, qu’il arrive un moment où, fatalement, on veut respirer pour le reste de sa vie. Tant pis pour la perfection. Je compte sur le contenu des classes pour retrouver la motivation et une discipline. Depuis la pause des fêtes de fin d’année, je continue de créer pour moi mais je n’ai eu aucune curiosité, aucun appétit pour une quelconque exposition.

La mère s’est barrée en Afrique sur un coup de tête.