Boulette Journal

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Les incertitudes autour de mon avenir professionnel deviennent perturbantes. Aux pensées intrusives viennent s’ajouter le lavage de cerveau d’une année et demie d’incitations malsaines vers la porte de sortie… En activant cette peur en moi, je me dis qu’ils ont réussi une partie de leur pari. Je me dégoûte d’être si friable.

Pour la seconde fois de ma vie, j’ai envoyé mon dossier artistique à un organisme de formation pour tenter la piste de la reconversion. Le coeur bat toujours aussi fort. Mon premier contact a été d’une froideur décourageante. Du réseau, c’est l’adresse la plus proche de chez moi mais pas celle dont on m’a parlé en premier. Il n’y a pas de hasard. J’ai été plus réservée, moins exaltée en la contactant. J’ai fait des recoupages dans mon book : la qualité sur la quantité, aucun lien vers mon site (pourtant fraîchement mis à jour)... Ma petite voix intérieure me dit de protéger mon travail, d’apprendre à partager dans la modération sans me mettre en pâture. Je ne suis pas désespérée. Je suis perdue.

Ma candidature a passé le premier filtre de sélection. Malgré des éléments que je ne suis pas en capacité de fournir ou de produire, le second aura lieu dans quelques jours et je saurai tout de suite. À pas de velours, juste avant un week-end prolongé à l’étranger (du grand n’importe quoi)... Je suis loin d’être confiante et d’avoir confiance. Sans l’approbation de parcours par mon employeur, je ne pourrai jamais autofinancer cette formation. Leur décision sera prise dans quelques semaines. Je n’aime pas être tributaire de la décision des autres. L’enjeu est trop important pour ne pas être choisi par mes soins. Je n’ai pas de plan B à ce stade.

Je n’ai pas souhaité partager l’essence de mon projet professionnel à mes grands-parents. Ils m’ont demandé pourquoi j’étais fermée sur ce point. Il y a deux ans, ils avaient décrété haut et fort que ce que je faisais était "pour les faibles d’esprit". En le lui rappelant, mon grand-père m’a dit que ce n’était pas possible, que j’avais rêvé. Réécrire l’histoire pour la rendre acceptable. Bien maquillé, un déni n’est pas un mensonge, n’est-ce pas ? Il annule l’insulte. C’est bien confortable ce petit pyjama. Alors, oui, je suis fermée et factuelle : des dates et des dossiers administratifs à monter. Je suis en CDI et j’ai un salaire. Je coche leurs cases d’une "bonne personne".

Parce que je suis une bonne personne. Si ils ont l’occasion de le savoir, ils n’ont pas besoin de le savoir.

J’essaie de me concentrer sur mes études. Je ne trouve pas l’énergie et la motivation pour le second semestre. Je culpabilise énormément de ne pas parvenir à avancer dans mes recherches théoriques, de ne pas savoir par quel bout commencer. Un pan en soulève un autre qui m’éloigne de mon point de départ pour souligner une nouvelle ignorance à combler… à l’infini. Si je n’avais que cela à faire de mes journées, je serais excellente.

Faible d’esprit.

Allongée à l’envers dans le canapé-lit déformé, je me demandais ce qu’il pourrait se passer si je laissais tout — absolument tout — tomber. Je ne parle pas de quitter mais d’abandonner.