Boulette Journal

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avril 2024

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Du gris au noir. Je me demande à quel moment je toucherais le fond de l'abysse pour pouvoir enfin remonter. Ce qu'elle est longue et lente cette chute... Mon déplacement en Angleterre a été le premier coup, le genou à terre. Le reste a enflé jusqu'à ce que plus rien ne soit contrôlable. Il m'arrive d'être envahie d'idées morbides. Mes relations, sur tous les plans, sont en souffrance. L'échange de Pâques m'a affecté. Ma grand-mère n'est pas désolée de ce qu'elle m'a dit. La haine dans ses yeux m'avait suffi à comprendre que, pour une fois, elle ne mentait pas. J'ai eu (...)

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Mon don du sang du mois dernier a été rejeté. Comme en 2022. Juste avant l'annonce de ma tumeur. Putain de. (...)

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Fût un temps où je me serais fait tatouer contre une période pareille. Métaboliser la douleur psychique par la douleur physique à travers une forme d'art. C'est tout moi. Mon médecin porte une montre à chaque poignet. C'est tout ce que j'ai réussi à penser alors qu'il me recevait pour la deuxième fois ce mois-ci. Entre le traitement "rapide" par intraveineuse et le traitement "long" par cachet, j'ai choisi le long. Le deux sont temporairement efficaces. Carence, anémie, déficit. Tant que j'ai mes règles, tant que l'endométriose tapisse mon corps. Il puise et épuise mes forces (...)

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J'aurais dû le savoir. Après autant de semaines à souffrir, il n'y avait pas d'autre issue possible : faire une crise d'adénomyose à l'étranger, à bord de ma voiture de location, à l'autre bout de l'île. Foudroyée. Je me suis arrêtée dès que j'ai aperçu la signalétique d'une croix clignotante verte. L'instinct de survie ou la certitude qu'on m'écraserait à mort si je tentais autre chose. Un coup de volant qui aurait pu nous coûter la vie si quelqu'un avait croisé ma route. Et même ainsi, je suis convaincue que cela aurait été moins douloureux. Mourir dans ce pays que (...)

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Leurs bottes cirées décolorées jusqu'aux genoux, les enfants jouent dehors, sous la pluie, dans la boue. Je me laisse habiter par les bruits de leurs vies. J'ai vu le grand-père — ce vieil homme un peu froid et distant — afficher un sourire pétillant comme un arc-en-ciel au contact de ses petits-enfants. Éphémère aussi. Le temps d'une étincelle, je l'ai trouvé beau. En remarchant dans nos premiers pas de 2022, mes pensées se sont envolées du phare de mon île vers le hasard de l'Asie. J'ai été désolée de ne pas avoir été l'amie qu'elle aurait souhaité avoir à ce (...)