Boulette Journal

28)

Repeindre mon plus grand tableau en blanc. Supprimer toutes traces, m’effacer. Voilà. Je me déplais trop dans ce que je deviens. Je fais trop de choses en même temps. L’agenda est noir depuis des mois. La tête tourne. À ne plus avoir le temps de souffler, je perds la densité de ce que j’aime profondément faire. Tout ce qui en ressort n’est qu’insatisfaction. Je fais des choix pour respirer à nouveau, avoir de la place. Et même en posant ces limites, quelque chose en moi culpabilise d’avoir à trancher.

Ce voyage était douloureux. J’ai arraché une croûte. C’est fou, toute cette peau et ces questions à vif en dessous. L’alcool triste fût terrible. Mortellement terrible. Les lendemains ont été plus doux. J’ai été plus douce. La météo était là. J’étais soulagée de rentrer chez moi. Faire du sport me fait du bien également. J’ai hâte de faire une pause.

Z* me parle depuis une semaine. J’attends qu’elle s’ennuie, qu’elle se lasse pour ressortir de ma vie. Je remplis sa curiosité de réponses. Je suis un souvenir cristallisé à mes 17 ans. Une femme aimant une femme insaisissable et imperméable à cet amour. Elle croit m’aimer mais je sais bien, moi, que ce n’est pas de l’amour. C’est une obsession, un désir profond de posséder ce que l’on ne peut avoir. Ce n’est pas de l’amour. Je ne l’aime toujours pas comme elle le voudrait. Je n’ai pas même d’affection pour elle. Je suis juste flattée que l’on puisse s’intéresser à moi et flippée qu’elle m’ait cherché pendant toutes ces années.

Je suis allée boire un verre et manger un bout avant d’aller au concert. La première partie avait une belle voix, des textes pourris et des griffes en plastique à la place des ongles. Je suis las de cette solitude, faire toutes ces choses seules. Mes yeux se posent sur ceux qui s’amusent, ceux qui s’aiment, ceux qui rient. Le jazz et les messages étaient bons. Une fille en robe du soir m’a demandé de la prendre en photo. Elle a posé et je me suis demandée si elle n’était pas plus seule que moi.

J’ai envie d’aller me baigner. Ce samedi, je serai quelque part, seule et perdue dans la foule… comme d’habitude.