Boulette Journal

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Mon père me demande souvent si "les signes" que je reçois font toujours partie de ma vie. Et, invariablement, je lui dis un grand "oui". Il lui arrive de me demander des exemples d’évènements, récents ou anciens, qui viendraient justifier que ces messages servent à quelque chose (sinon, belle jambe, à quoi servent-ils ?). Il n’a jamais mis ma parole en doute mais je n’ai jamais compris pourquoi il avait besoin de se rassurer.

Des exemples d’expériences, j’en ai à la pelle depuis toute petite. Il ne se passe pas un jour sans qu’un phénomène irrationnel ne se manifeste dans ma vie. De là à dire que mes interprétations sont correctes, je ne parierai pas dessus. En revanche, je suis certaine que les choses se passent (ou ne se passent pas) d’une certaine façon pour une raison, que le hasard n’existe pas et qu’il y a un langage derrière ces phénomènes.

Dans son raisonnement qui lui est propre, mon père ajoute souvent : "D’accord, et après ?"

Après, je n’en sais rien. Si je les vois, les sens et les entends de plus en plus, je ne suis pas sûre qu’il faille systématiquement analyser et chercher à comprendre ce qu’il se passe. C’est pour cela que j’ai délaissé les cartes pour écouter mon coeur. J’ignore si ces messages sont utiles. Les choses prennent tout leur sens quand on est prêt à les recevoir, à les comprendre dans leur entièreté. C’est plus compliqué de faire "simplement" confiance à la vie, de continuer à avancer, de la laisser nous accompagner sur ce qui est déjà en cours en coulisses… Comme si l’Univers nous était redevable d’une explication plus nette dès le départ. Je suis la première à râler, à ne pas m’en contenter. Parce que j’ai peur de manquer des bouts, de passer à côté de quelque chose de mieux et de merveilleux.

Je vis. C’est déjà bien.

Je suis consciente que l’on communique avec moi dans une langue dont je n’ai ni le dictionnaire ni les codes. Et puis, dans les moments les plus sereins, les évidences sont tellement savoureuses que j’oublie toutes ces fois de frustration. Tout ce qu’il m’est arrivé de plus beau dans ma vie a commencé par une "coïncidence".

Et, parce que je suis un être humain sensible, j’ai, moi aussi, envie de croire ce que je me raconte de plus plaisant, quitte à me décevoir de paillettes. Je crois que je suis guidée. Je crois que c’est beau. Je crois que c’est inévitable. Je crois beaucoup.

Mon corps est en réaction depuis quelques jours. Des poussées de fièvre, des maux de muscles et de gorge. Mes règles ont pris de l’avance sur le calendrier. J’ai constamment sommeil. Mon ventre part dans des monologues infernaux, tantôt creux, tantôt gonflé. Mon coeur est prêt à sortir de ma poitrine. Je le sens battre dans ma tête. Jamais il n’a pulsé aussi fort. Mes mains vibrent. Je me trouve une mine affreuse. Mon humeur est changeante. Bref, chamane, je vais "accoucher".

Je m’étais promis de participer à davantage de concours artistique cette année. Je crois que je n’avais pas écrit de poème depuis le CM1. Le jury va bien se marrer. Et je vais gagner.