Boulette Journal

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Le cours de littérature était d’un ennui prodigieux. Et terriblement mathématique. Comment peut-on avoir le pouvoir des mots entre les mains, la tête pleine des "grands classiques" des "meilleurs auteurs", avoir publié quelques romans (en toute modestie) et avoir un discours aussi monocorde ? Deux heures à lire son PowerPoint d’académicien sans reprendre son souffle. Jesus.

Mes rêves me reviennent au beau milieu de la journée comme des photos qui tomberaient d’un album. Leurs messages sont révélateurs des émotions tenues en laisse. Je voulais dénoncer les erreurs de mon frère ; être la mère de cet.te enfant sur cette photo… Je suis soumise à mon subconscient.

Deux souvenirs sont revenus à la surface :

Le premier a presque un an. Sur le parking du supermarché, ma mère et ma tante avancent vers moi. Pour me "faire une surprise" après 25 ans de séparation. Avant d’être ma tante, c’est la mère de ma cousine disparue. C’est tout ce qu’il me reste d’elle. C’est elle qui l’a mise au monde. Jusqu’à ce jour de retrouvailles si spécial, j’ai traversé mille morts de chagrin. J’ai cru crever sur ce putain de parking. Elle a dû sentir que mes pensées étaient tournées vers elle car elle m’a écrit dans la soirée…

Le second a presque un mois. Cette odeur de benne et ces filles venues du Nord. Elles sentent la méchanceté et je comprends pourquoi cette puanteur, je crois. Qu’est-ce que je fous là ? Ça baragouine en anglais, en français, en flamand… Ma place est si difficile à déterminer dans cette file d’attente où je sens une concurrence sourde. Elles m’interpellent sans un mot de politesse et me demandent ma catégorie de ticket avant de me dire que je "ferais mieux d’aller me renseigner"... Selon elles, je ne suis pas au bon endroit. Qui sont-elles ? D’une certaine façon, peut-être qu’elles avaient raison.

J’ai commencé à peindre l’après de ce souvenir. Ce moment dans l’entre-deux, entre le silence et la musique, où je me suis littéralement accrochée aux lignes des faisceaux des projecteurs pour ne pas avoir à me répondre ni à subir l’hostilité de l’environnement. Je ne pouvais pas manquer ce rendez-vous. J’avais promis. Mon père pense qu’il s’agit d’une représentation de l’espace ou de fonds marins. J’aime être la seule à connaitre le port d’attache de mes créations. J’aime quand il se trompe.

Mon dernier soin a été sublimé par un double arc-en-ciel. C’était la deuxième fois cette semaine que le Ciel dessinait pour moi. La salle dans laquelle je pratique a une vue directe sur Paris. Mon regard se pose toujours sur Notre-Dame.