Boulette Journal

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Nous n’avions pas eu de cercle de méditation depuis le printemps. Après des mois de silence, je me demandais si j’avais été retirée de la liste de distribution ou si, simplement, l’hôtesse de cérémonie ne souhaitait plus nous réunir. J’avais quelques indices. Au début de l’été, c’était clair : je devais apprendre à avancer sur mon chemin en autonomie. Tant de changements ont été opérés depuis mes propres ailes. Ce moment était parfaitement synchronisé avec le début des "vraies" vacances. J’ai pleuré de douleur déposée, de fatigue et frustration accumulées et de peur.

Mes derniers jours de congé ont été bien plus profitables que les premiers. Les quelques sorties que j’ai pu faire dès que je me suis sentie mieux étaient toutes intéressantes. Je n’ai pas fait la moitié de ce que j’aurais voulu. Est-ce si grave ? Prendre l’air, aller aux musées, marcher sans destination, être parfaitement libre de faire ou de ne pas faire ce qui me plaît au jour le jour. J’ai fini trois toiles : un paysage urbain (commencé en Septembre), mon premier portrait animalier et, enfin, une composition florale que je compte offrir.

Un matin, j’ai rencontré mon père à la gare. Nous avons fait un bout de chemin ensemble. Il s’est invité à mon excursion du lendemain. J’étais un peu gênée car j’aurais voulu y aller seule. Il m’envoyait tous les signes pour que je lui propose de se joindre à moi. Il voulait que cela vienne de moi. Il me forçait un peu la main. C’était lâche.
Je vais y retourner bientôt.

Une camarade d’école primaire a repris contact avec moi depuis la page de contact de mon site internet. Elle m’a laissé son numéro de téléphone. Je ne suis pas sûre d’avoir envie de l’appeler. Je suis sûre de ne pas avoir envie de lui parler de ma vie, qu’elle me dise que la sienne est mieux que la mienne. C’était ce qu’elle avait fait à l’époque où j’avais un profil Facebook.

Je dois revoir mon planning de jours de présence. Mes nouvelles dates de séance seront un peu moins régulières. J’ai décidé de lever le pied jusqu’à l’année prochaine. Mes forces et mon énergie ont besoin de se restaurer, de se renouveler. J’aime beaucoup ce que je transmets à travers ces séances, ce qu’il se passe dans ces moments privilégiés. Je ne reviendrai pas là-dessus. Mais si je suis honnête avec moi-même, je suis affectée par ma santé et en colère contre l’ingratitude des gens — de ceux qui prennent tout pour acquis parce que mes ateliers sont gratuits. Une participation, même symbolique, responsabilise le demandeur. Les gens prennent ma gentillesse et ma disponibilité pour de la bêtise et de la naïveté. Heureusement, les participants sont corrects mais toutes les sollicitations ne sont pas bienveillantes. Je veux réaffirmer mes limites.

Je suis aussi contrariée que les "porte-paroles" de ma population se soient appropriés la thématique de mes ateliers sans me demander mon avis ou si j’étais disponible pour en parler. Je ne suis pas passée par elles pour mettre au monde mon projet. Personne ne m’a encouragé à le faire. Je dois ce succès à mon investissement. J’ai décidé de les laisser assumer leur démarche jusqu’au bout : je ne veux pas être prise en otage ni être présente pour les entendre débiner cette discipline qui m’est chère. Je n’assisterai pas à ce fiasco programmé. Encore une raison de ne plus m’impliquer auprès de cet employeur.

J’ai envoyé le dernier devoir que je suis dans la capacité de produire pour cette première partie de semestre. J’ai reçu un nouveau retour très constructif qui me vaut une note globale de 15,5/20 en création personnelle. Je suis définitivement trop timide dans mes approches écrites. Mes prochains rendus seront plus naturels, moins guindés. Je n’ai pas oublié : "La timidité en art est un manque de travail."